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Comment devient-on addict ? - #1 : du désir au besoin


1ère partie de l'article

Voir : la 2e partie - la 3e partie



Pratiquées régulièrement, la consommation de pornographie et la masturbation peuvent mener peu à peu à l’addiction au même titre que l’usage d’alcool ou de cannabis. Grâce aux progrès récents des neurosciences, on peut affirmer que l’addiction est une maladie neurobiologique chronique et que nous ne sommes pas égaux face à elle. Contrairement aux idées reçues, elle n’est donc pas une faiblesse ou un manque de volonté chez l’individu dépendant.


Qu’elle ait pour objet une substance psychoactive ou un comportement, elle résulte d’un dérèglement du circuit de la récompense dans le cerveau. Concrètement, comment devient-on addict au porno ou à la masturbation ? Explications.



De la première fois… à l’addiction,

du désir… au besoin


On ne devient jamais accro au porno ou à la masturbation du jour au lendemain : la notion de progressivité est capitale pour comprendre la manière dont se met en place l’addiction.


Une dépendance sexuelle est un processus plus ou moins rapide qui va voir la personne augmenter petit à petit la fréquence de son comportement. Comme en amour, il y a toujours une… « première fois » choisie en liberté pour son effet agréable. Le caractère propre de l’addiction, c’est que cet acte dirigé du début, ponctuel, décidé en conscience, va prendre peu à peu un caractère d’automaticité et d’habitude, et finir par échapper à toute maîtrise.


Les scientifiques distinguent généralement trois phases dans la survenue de l’addiction. Les voici.



LA DÉCOUVERTE ET L'USAGE RÉCRÉATIF

À ce stade, la pratique n’est pas considérée comme pathologique car elle reste ponctuelle, festive, et limitée en quantité.


En général, l’objectif est d’obtenir un mieux-être ou de soulager un malaise en se masturbant ou en regardant des images, "juste cette fois". Le comportement est dit "normal" d’un point de vue médical. La question de la morale n’est pas posée ici.



L'USAGE INTENSIF

La fréquence de réalisation et l’attente vis-à-vis du comportement augmentent et commencent à devenir gênants.


Ayant découvert et apprécié les effets agréables et apaisants de la masturbation et de la pornographie, la personne a tendance à les systématiser en tant que remède face aux difficultés et désagréments qui surviennent dans sa vie. Comme un doudou, une roue de secours. Les premières conséquences problématiques apparaissent sur le plan émotionnel (irritabilité, par exemple) ou cognitif (difficulté à rester concentré). Mais ces effets négatifs ne sont pas suffisants pour que la pratique soit vraiment questionnée et remise en cause. Le comportement général reste globalement organisé.




À cette étape-clé, certaines personnes vont maintenir un statu quo. D’autres, au contraire, vont basculer dans l’addiction. Pour les scientifiques, ce basculement est dû vraisemblablement à certaines prédispositions. Ces facteurs de vulnérabilité sont de plusieurs ordres : neurobiologique, génétique, mais aussi historique et environnemental. L’usage intensif n’est donc qu’une phase transitoire dont l’issue logique, et souvent rapide, est malheureusement l’addiction. Ce schéma sera observé, par exemple, chez les sujets impulsifs ou disposant d’une moindre confiance en eux.



L'USAGE PATHOLOGIQUE

Cette dernière étape se caractérise par une perte totale de contrôle.


La personne est devenue littéralement esclave de son plaisir. Son désir s’est transformé en besoin. L’activité concernée tient une place prépondérante dans sa vie. Une personne accro à la masturbation compulsive peut répéter son geste 10 ou 15 fois par jour ; un addict au porno est capable de rester une nuit entière à visionner des images les yeux rivés à l’écran de son ordinateur, alors qu’il prévoyait au départ de consacrer à cette activité "juste cinq minutes pour se détendre". Ces activités génèrent des pensées obsédantes et font naître un désir intense et irrépressible, dénommé "craving".


L’addict – puisque l’addiction est désormais installée - poursuit malgré lui son comportement alors qu’il a conscience des conséquences négatives et désagréables que celui-ci provoque à l’intérieur de lui et dans son environnement. Pour obtenir le même effet apaisant, une dose toujours plus forte est nécessaire : plus de masturbations, plus d’images. Le comportement compulsif finit par procurer un plaisir moindre et dont l’effet ne dure pas. Les rechutes s’intensifient. À ce stade, le cerveau s’est adapté sur le plan neuronal, si bien que même après une longue période de sevrage, les modifications perdurent dans les circuits concernés.


C’est ce processus neurobiologique complexe que nous allons essayer de comprendre maintenant.



Voir la 2e partie - la 3e partie

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